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Winter Sleep: changement de temps

Premier cours d'Histoire du cinéma. Au détour d'un discours passionné (et non moins passionnant) sur nos pratiques vis-à-vis du 7ème Art, notre prof nous lance « Le cinéma c'est du temps »... L'après-midi même je me retrouvais dans une « salle obscure » pendant pas moins de trois heures et quart. Sur l'écran, la palme d'or du festival de Cannes 2014 : "Winter Sleep" de Nuri Bilge Ceylan. Un huit clos à ciel ouvert qui nous dévoile les relations entre plusieurs membres d'un petit village perdu dans les montagnes turques. On y voit défiler les différents conflits et tensions (physiques et psychologiques) qui apparaissent, se renforcent ou disparaissent entre les habitants pendant que ces derniers accueillent l'hiver et, avec lui, une isolation quasiment totale.

Au bout de 195 minutes, c'est sûr, on comprend mieux cette phrase. Le temps il a fallu le prendre, c'est certain, l'apprécier aussi, afin de comprendre que la (très longue) durée du film a été indispensable à notre imprégnation dans l'histoire. Oui, c'est bien grâce au temps qui s'est écoulé pendant que l'on était assis que l'on a pu apprendre à connaître réellement les personnages, à comprendre où le réalisateur a caché les faiblesses, les défauts des protagonistes. Un temps absolument nécessaire pour permettre aux spectateurs de plonger et de se projeter dans le film.

Ceylan arrive à nous montrer la vie dans ce village du fin fond de l'Anatolie avec autant de réalisme que si nous nous y trouvions. Comme si, nous aussi, nous faisions partie du voisinage, de ces familles. Un instant nous sommes tranquillement assis dans notre siège et la seconde d'après nous nous retrouvons au cœur des tensions, des manipulations, des amitiés et des déchirements silencieux. Nous assistons donc, en première ligne, au débats et aux blessures subtiles entre Aydin et les deux seules personnes qui semblent encore l'entourer : sa sœur et son épouse.

Grâce à l’œil - presque sociologique - par lequel on nous présente ces personnages et leurs relations, grâce au temps donné au film et à l'atmosphère intimiste qu'il y règne mais également aux nombreux plans séquences, on apprend à interpréter les comportements de chaque membre de l'histoire. Comprendre comment Aydin qui se veut et se pense juste et cultivé - qui, par ailleurs, apparaît comme tel au premier abord - réussit en réalité à dégrader, à détruire les rares personnes qu'il lui reste. Comprendre d'où viennent les blessures et les regrets de son épouse qui paraît si froide...

Le film dure 3 heures et 15 minutes et l'histoire évolue plutôt lentement mais c'est précisément pour cela que l'on arrive à réellement cerner les personnes qui sont à l'intérieur. Le réalisateur prend ici le contre-pied de l'énorme machine qu'est le cinéma aujourd'hui et c'est ce qui lui permet de créer un film superbe. Un film où l'on prend le temps de voir, d'observer, de nous montrer, de nous expliquer. À contre-courant d'un cinéma saccadé, rapide et blockbusterisé. Avec "Winter Sleep", Nuri Bilge Ceylan a fait un pari, un pari sur la lenteur, l’authenticité, le détail. Ainsi il prouve que l'on peut donner et prendre du temps pour le cinéma, pour pouvoir l'apprécier pleinement et non juste en surface.


Hoppy Wine ?

c'est qui ?

Morgane amoureuse de la bière, je travaille en tant que responsable de communication pour une brasserie artisanale.

Passionnée d'art et beerloveuse je m'amuse en créant des photos étonnantes :)

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